Une langue de communication pour l'Union Européenne

 

Préambule

En évoquant la nécessité d'une langue de communication pour l'U.E. dans le magazine des Ingénieurs Arts et Métiers, je ne pensais pas susciter autant de questions dont l'une, particulièrement importante, dépasse le problème de langue. Or je ne suis pas linguiste, même pas espérantophone, et mon article n'avait pour dessein que de poser la question de la communication en U.E.. Avais-je le droit d'oser essayer de répondre aux demandes d'informations complémentaires ? Bien des magazines, des livres, fort documentés et argumentés, ont été publiés, seulement nombreux sont ceux qui ne les ouvrent pas, considérant, à tort, que ces publications s'adressent aux spécialistes. Alors, peut-être, que voir traiter ce problème par un profane peut entraîner un sentiment de curiosité et inciter à s'y intéresser. Jouant donc d'audace inconsciente, je vais essayer de répondre aux questions posées… Auparavant je précise ma position.

Lorsque la CEE fut créée, j'adhérais depuis un certain temps au Mouvement Fédéraliste Européen et j'ai pensé qu'on choisirait obligatoirement une langue commune. La Presse nous apprenant qu'il n'en était rien et que cela nous coûtait des centaines de milliards de francs pour un résultat contestable, je m'intéressais au problème. J'ai notamment voulu savoir si l'Espéranto, dont tant d'autorités vantaient les mérites, pourrait être la solution. Seul avec un bouquin, en quelques heures, j'ai été étonné de constater que les prétentions des espérantistes étaient  parfaitement fondées. Le Parlement Européen consulté m'apprenait alors que le problème avait fait l'objet d'études de 1979 à 1982, que celles-ci stigmatisaient les inconvénients du multilinguisme et concluaient que l'Espéranto constituait probablement la meilleure solution, mais nous reviendrons sur ces études fort importantes.

J'avais alors 82 ans et ne jugeais pas raisonnable de poursuivre mon apprentissage, cependant convaincu des qualités de l'Espéranto et du grand intérêt de le choisir comme langue de communication pour U.E., je décidais de participer à sa diffusion. Incidemment je regrette de ne pas avoir poursuivi mon étude de l'Espéranto, aujourd'hui à 91 ans je le parlerais sans problème.

Mais revenons à celui des questions posées à la suite de mon article. Pour répondre avec pertinence j'ai dû réunir une importante documentation puisée en grande partie dans les publications périodiques d'Espéranto et notamment dans les communiqués de presse de SAT Amikaro (in fine ses coordonnées). N'étant pas spécialiste je me bornerai à relater les faits, à rapporter des dires et d'en constater les conséquences.

L'Union Européenne a besoin d'un langue de communication

Deux éléments sont indispensables pour souder une nation : une langue et une monnaie. Que serait l'unité de la France, de l'Italie, de l'Allemagne sans cela ? L'Europe a su se doter d'une monnaie neutre et unique ne lui faudrait-il pas maintenant une langue neutre et unique ?J Une langue dont aucun pays ne puisse revendiquer le monopole, surtout pas le moins européen de l'Union. Nous disons une langue commune, pas unique, chaque pays devant préserver sa culture. Alors il est plus qu'étonnant d'apprendre que l'U.E.  envisage l'utilisation de 21 langues, soit 420 combinaisons pour les traductions, avec l'arrivée de nouveaux membres, un gouffre financier et une calamité par les erreurs entraînées par des traductions souvent contestables du fait des conditions de travail. Quand on traduit du grec en danois en passant par l'anglais, les linguistes nous disent que plus de 50 % du sens est déformé. Quant au coût, aux 3500 interprètes actuels, il faudra en adjoindre 400 soit un budget annuel de 521 millions d'euros, malgré le choix arbitraire, de trois langues pivots : l'anglais, le français et l'allemand. Mais nous reviendrons sur la position du Parlement Européen.

A l'époque de l'Internet, de l'augmentation des loisirs et donc de la multiplication des voyages, une langue commune serait des plus utiles. Alors qu'en dehors du coût il est facile de changer sa monnaie quand on entre dans un pays étranger, l'on ne peut se faire comprendre si l'on n'en connaît pas la langue locale. Alors on vous dit : "il faut apprendre des langues étrangères". Parmi les exemples cités dans l'un de mes essais, j'en prendrai un seul. Ingrid Bergman tournait en Italie chez Rossellini. Elle parlait le suédois, le norvégien, le danois, le néerlandais et l'anglais. Rossellini parlait l'italien, le français, l'espagnol, l'allemand et le grec. Dix langues européennes pour deux personnes et ils ont eu besoin d'un interprète. Pourtant notons, au passage, qu'elle parlait l'anglais.

Il est évident que non seulement l'Europe mais le Monde aurait besoin d'une langue commune, respectueuse des principes d'équité, d'égalité des chances, de respect de la dignité de tous… Mais commençons par l'Europe sans insister davantage tant le besoin d'une langue de communication est évident.

L'anglais peut-il être cette langue de communication ?

On nous répète, en effet, cette langue de communication existe, c'est l'anglais.

Quand on arrive à New York au stand Air France, les hôtesses ne comprennent pas le français et toutes les annonces se font exclusivement en anglais.

L'anglais ? Une langue au 283 verbes irréguliers, aux groupes de consonnes difficiles à articuler, aux lettres changeant de prononciation suivant le contexte, une langue à l'accès laborieux ,qui ne brille ni par la clarté, ni par la simplicité, ni par la logique. Un nid d'ambiguïté.

Ce sont des linguistes anglais qui ont constaté que dans les pays de langue d'origine latine, les rudiments de la lecture sont assimilés en une année alors qu'il en faut deux et demi à un petit britannique pour atteindre le même niveau et ce sont les pays anglo-saxons qui ont le plus grand nombre de dyslexiques. C'est cette langue que l'on veut nous imposer comme langue de communication ?

Mais il y a beaucoup plus grave. 15 % des accidents et incidents aériens seraient dus à des erreurs de compréhension de la langue officiellement utilisée, l'anglais. Rappelons seulement les deux catastrophes les plus meurtrières. Tout d'abord celle de Ténérife le 27 mars 1977. Le pilote a interprété de manière erronée le message de la tour de contrôle et a décollé alors qu'un Boeing de la PANAM se trouvait déjà sur la piste. 583 des 643 personnes à bord des deux avions périrent dans la collision au sol. Le deuxième accident le plus meurtrier fut celui de New Delhi, en 1996, entre deux avions. 345 morts. Les experts conclurent à une interprétation erronée des  instructions, interprétation compliquée par l'emploi des deux systèmes de mesures, les USA étant l'un des rares pays modernes n'ayant pas adopté le système métrique. On en arrive à cette aberration que dans certains avions les instruments montrent confusément deux sortes d'unités de mesures. Au dessus de la Russie, les altitudes sont exprimées en mètres, au-dessus de la Corée en feets (pieds américains). Même la Grande-Bretagne après 150 ans  de résistance a enfin décidé de rendre le système métrique obligatoire. Se prétendre à la pointe du progrès et conserver un système de mesure obsolète traduit bien la volonté des USA de ne rien accepter qui ne soit américain d'origine. Ils refusent même de se plier au droit international dès lors que leurs intérêts ou leur mode de vie sont en cause.

Une parenthèse au sujet du système de mesures. Celui en usage aux USA est si complexe que les enfants étasuniens se situent au 19ème rang sur le plan mathématique.

Au début du 19ème siècle, le système métrique venait à peine d'être inventé que le Président Jefferson, celui qui acheta la Louisiane à la France, le Président Jefferson en comprit tout l'intérêt et recommanda, sans succès, son adoption.

Revenons à cette langue anglaise que l'on veut nous imposer et au danger pour le transport aérien. On commence à en prendre enfin conscience et nous aurons l'occasion de parler d'une initiative américaine, ce qui est important, pour proposer un autre langage aéronautique.

Nous espérons avoir convaincu que l'anglais ne peut être la langue unique de communication indispensable et qu'il est inadmissible que nos représentants acceptent, et même cautionnent pour certains, les visées des Anglais sur les organes de direction et de pouvoir de l'U.E.

Notre économie est en danger

Entrés dans la CEE (future U.E) pour la torpiller et n'y étant pas parvenus, les anglais veulent la dominer, et voir l'anglais devenir la langue unique de l'U.E. afin de renforcer, avec les américains leur suprématie économique, politique et culturelle. Ce n'est pas d'aujourd'hui que les anglais ont compris que la langue conditionne la pensée et entraîne un adhésion passive. Dans leurs colonies, ils appliquaient déjà ce principe.

Madame Anna Maria Campogrande, bien placée pour savoir se qui se passe réellement, fonctionnaire de la Commission Européenne, préposée aux relations avec les Pays Tiers, a déclaré ouvertement que "l'Europe fait l'objet d'une stratégie d'encerclement linguistique et culturel mise en place depuis des décennies à des fins essentiellement économiques et commerciales où rien n'a été négligé".

Les anglo-américains ont déjà réussi à faire accepter l'usage exclusif de l'anglais pour les réunions internationales et les publications scientifiques. Ils occultent souvent ce qui ne vient pas d'eux et publient ce qui les met en valeur même s'il s'agit de la découverte d'un autre pays dont ils ont refusé la publication et qu'ils ont pillée au passage.

Les chercheurs français ne sont reconnus que s'ils publient en anglais et, pratiquement, les savants américains ont un droit de veto sur tout ce qui se publie, de veto et, nous nous répétons, de pillage. On se souvient de Luc Montagnier spolié de son titre de découvreur du virus du Sida parce que ses travaux publiés dans une revue américaine ont été ainsi entre les mains de Robert Gallo. Mais on pourrait citer maints autres exemples. Ainsi, on attribue l'invention de la pénicilline à Flemming alors qu'un médecin militaire français, Ernest Duchesne a écrit en 1897 une thèse sur l'activité antimicrobienne des moisissures  et est l'initiateur de la thérapeutique antibiotique. On pourrait citer la découverte par des français du phonographe attribué à Edison, ou Clément Ader, père de l'avion écarté au profit des frères Wright, etc., etc. …

En fait le monde scientifique anglo-américains se place dans la position de juge et partie, s'attribuant publications et prix sans vergogne.

Mais non, Monsieur Revel, je ne suis pas anti-américain. Lorsqu'on est persuadé que ses amis commettent des erreurs ou outrepassent leurs droits, on a le devoir de le leur dire. Et puis qui aime bien châtie bien. Je m'élève seulement contre le cynisme et l'hégémonisme de certains de leurs dirigeants politiques ou économiques. Et d'ailleurs ceci leur est aussi parfois reproché par des américains de grande autorité. On pourrait citer maints exemples. Que les américains traduisent "mondialisation" par "américanisation" et "avenir de l'Europe" par "hégémonisme américain", qu'ils nous considèrent parfois un peu comme des sous-développés ne m'empêche nullement d'apprécier les qualités de leurs habitants et de leur culture. Je n'oublie pas que leurs boys ont, par deux fois, sacrifié leurs vies pour venir à notre secours.

Mes précédents écrits témoignent de toute absence d'anti-américanisme chez moi.

Mais pour revenir à mon propos, il est indispensable que les langues autres que l'anglais reconquièrent leur statut d'outil d'investigation et de communication afin de sortir de la stérilisation du processus créatif au profit des anglo-américains.

  Terminons cette partie de notre exposé par quelques citations que les auteurs espéraient confidentielles :

-         "l'anglais doit devenir la langue dominante … la langue maternelle sera étudiée chronologiquement la première mais ensuite l'anglais par la vertu de son usage et de ses fonctions deviendra la langue primordiale" (Anglo-American Conference. Report 1961).

-         "Il y va de l'intérêt économique et politique des Etats-Unis de veiller à ce que, si le Monde adopte une langue commune, ce soit l'anglais et que, s'il s'oriente vers des normes communes en matière de communication, de sécurité et de qualité, ces normes soient américaines et que, si ses différentes parties sont reliées par la télévision, la radio et la musique, les programmes soient américains; et que, si s'élaborent des valeurs communes, ce soient des valeurs dans lesquelles les américains se reconnaissent". (David Rothkopf, directeur général du cabinet de consultants Kissinger Associates "Praise of Cultural Imperialism, 1997". Eloge de l'Impérialisme culturel ,1997).

Et pour résumer les forts nombreuses citations en faveur des intérêts anglo-américains celle-ci :

-         "Au XXI siècle, le pouvoir dominant est l'Amérique, le langage dominant est l'anglais, le modèle économique dominant est le capitalisme anglo-saxon" affirme Margaret Thatcher avant de reprocher violemment à la France de ne pas s'aligner sur ce modèle.

Signalons aussi un rapport du British Council qui dit que la pratique de l'anglais apporte plus de profits à la Grande-Bretagne que le pétrole de la Mer du Nord.

Voici donc, en vrac, quelques éléments, choisis arbitrairement, parmi des dizaines d'autres pour faire comprendre l'urgence de préserver nos intérêts face à un hégémonisme dangereux. Et c'est volontairement que je n'ai pas évoqué Davos, Kyoto, Porto Alegre, Johannesburg et autres évènements proches, non plus que le réseau "Echelon" qui réunit pour des raisons d'espionnage, commercial surtout, les cinq pays anglophones : Etats-Unis, Grande-Bretagne, Canada, Australie, Nouvelle Zélande.

Alors pourquoi nos élites, nos intellectuels, nos dirigeants, dans leur majorité, approuvent et cautionnent ce comportement au mépris de nos intérêts. Quels ressorts les animent et leur font accepter une telle situation donnant aux anglo-américains des avantages considérables? N'oublions pas que l'anglais n'est la langue maternelle que pour 8 % de l'humanité et donc un boulet coûteux pour 92 %  et qu'imposer une langue nationale au reste de l'univers, c'est lui imposer une connaissance imparfaite de cette langue et une perte de connaissance des langues maternelles.

Lorsqu'il s'agit de parler d'affaires sérieuses Tony Blair qui parle le français et Jacques Chirac qui parle l'anglais discutent toujours par l'intermédiaire d'un interprète. Ils savent que celui qui s'exprime dans sa langue maternelle bénéficie d'un privilège incontestable, bénéfice que chacun ne veut pas laisser à l'autre.

Mais ce n'est pas seulement l'anglais qui doit être écarté comme langue de communication, c'est aussi celui de toute langue nationale et pour deux raisons principales. D'une part la concession d'avantages commerciaux et culturels importants à la nation dont on utilise la langue et d'autre part l'impression de dépendre de celle-ci, d'être assisté, méprisé, dévalorisé…

N'oublions pas la leçon de lucidité et de courage des révolutionnaires de 1789-1792 qui ont non seulement inventé le système métrique pour remplacer les quelques 800 mesures utilisées alors en France mais aussi imposé la langue française, fédérateur important nous l'avons dit de l'unité nationale. A aucun moment, ils n’ont envisagé de demandé aux Basques d 'apprendre le breton et le provençal ou aux Corses d'assimiler le picard et l'alsacien pour se faire comprendre comme veut le faire l'Europe avec le programme Lingua et l'apprentissage de toutes les langues du marché commun. Malheureusement, lorsque le francien, langue des anciens rois, fut théoriquement décidé d'usage exclusif pour tout le pays mais, en réalité, généralisé et imposé par l'école obligatoire en 1882, cela heurtait les régionalismes qui ont tenté de s'y opposer. Les mécontentements engendrés ont entraîné des mini-drames longs à effacer. Au contraire le système métrique, artificiel et neutre, issu d'aucune province en particulier, ne heurtait aucun chauvinisme et s'il fut assez long à se généraliser, cela se fit sans jalousie inter-provinces.

Nous espérons avoir convaincu et du danger de choisir une langue nationale comme moyen de communication pour l'U.E.  et de la réalité de la menace pour nos intérêts économiques, politiques et culturels que fait peser l'hégémonisme anglo-américain. Et ceux qui ont étudié sérieusement le problème proposent l'Espéranto comme langue unique pour l'U.E.

L'Espéranto ? Qu'est-ce donc ?

L'espéranto. Gadget ? Utopie ?

L'Espéranto est une langue de synthèse qui vise à permettre une communication directe et aisée entre les hommes de tous les pays. C'est une langue vivante, ainsi que l'a reconnu le Parlement Européen en 1980, une réalité d'aujourd'hui. La grammaire de l'Espéranto comporte seulement 16 règles de base sans aucune exception. Si en français, il y a plus de 28 façons d'écrire le son "o", de "o" à "eau" et "aulx", en Espéranto, il n'y en a qu'une. Si en français, il y a 21 façons de marquer le pluriel des noms et des adjectifs, il n'y en qu'une en Espéranto. Sa conception a été formulée en 1629 par un génie, René Descartes, dont on peut résumer ainsi sa correspondance avec le Père Mersenne. "Il faudra que l'humanité crée une langue internationale ; sa grammaire sera si simple qu'on pourra l'apprendre en quelques heures ; il n'y aura qu'une seule déclinaison et une seule conjugaison ; il n'y aura point d'exceptions ni irrégularités et les mots dériveront les uns des autres au moyen d’affixes".

Et c'est fort intelligemment, avec un travail patient et acharné, que le docteur Zamenhof, polyglotte précoce, quelque 260 ans plus tard, appliquera ces prescriptions, dont il a eu connaissance. Doué pour les langues, idéaliste, il créera un langue simple mais précise, riche en nuances mais d'apprentissage aisé, esthétique mais fonctionnelle, d'une conception permettant un enrichissement constant mais compréhensible par tous les espérantophones, une langue à vocation internationale, l'Espéranto, qui ne vise nullement à se substituer aux langues nationales mais à être une "langue internationale auxiliaire" ainsi que l'a baptisée le professeur Umberto Eco, une langue destinée à faciliter la compréhension entre les hommes de toutes les nations. Une langue que l'on propose, contrairement à l'anglais que l'on veut imposer.

Bien avant René Descartes et bien après Zamenhof, de nombreux écrivains ont souhaité une langue "unique" plus facile que toutes les langues courantes : Montesquieu, Leibnitz, Condorcet, Fourier, Ampère, Auguste Comte, Victor Hugo, Tolstoï et jusqu'à Jules Verne, Georges Duhamel, Jean Rostand, Maurice Genevoix… pour ne citer que quelques noms qui  viennent sous la plume. Plus près de nous de très nombreux écrivains, scientifiques, enseignants, chanteurs, du monde entier, et donc aussi des USA dénoncent les inconvénients du multilinguisme et son danger et souhaitent voir enseigné l'Espéranto comme langue de communication. Il est impossible de les citer tous. Mentionnons à titre d'exemple Umberto Eco, écrivain et professeur, d'autorité indiscutable qui a répondu dans une interview : "l'Espéranto, une langue construite avec intelligence et qui a une histoire très belle, doit jouer un rôle important, utile justement par lui-même et aussi pour protéger les autres langues ; l'Espéranto devrait devenir la langue véhiculaire mondiale… car on ne peut passer son temps à les apprendre toutes."

Alors pourquoi nos dirigeants s'obstinent à refuser, à deux exceptions près depuis 80 ans, l'étude d'une langue de communication. Ils préfèrent envisager l'utilisation de 21 langues au Parlement Européen, s'intéresser à l'école qui donne ses cours en breton ou à l'imposition de la langue corse qui concerne quelque 250 000 îliens (quel parent oserait demander que son enfant en soit dispensé?). Ce qui n'enlève nullement, aux Corses, le droit, comme à ceux de toutes les autres régions françaises, de vouloir préserver leur culture,de demander plus de décentralisation, plus d'écoute, plus de liberté dans certains domaines.

Nos dirigeants préfèrent cautionner des nations, la Grande-Bretagne et les USA, qui visent la suprématie commerciale en s'assurant la maîtrise des débats et des négociations, en confortant leur ambition de maîtriser à leur profit les échanges commerciaux.

Pourtant :

-         déjà en 1923 la Société des Nations proposait d'envisager l'étude de l'Espéranto comme langue de communication;

-         en 1924, 42 savants de l'Académie des Sciences qualifiaient l'Espéranto de "chef d'œuvre de logique et de simplicité" avant d'en recommander l'adoption.

-         En 1954 et en 1985, la Conférence Générale de l'Unesco reconnaissait les résultats de l'Espéranto dans les échanges culturels internationaux et votait une recommandation en faveur de son enseignement. Par une décision de son Comité Exécutif en  1960, l'Unesco reconnaissait les mérites du Docteur Zamenhof comme "personnalité importante universellement reconnue dans les domaines de l'éducation, de la sciences et de la culture".

-         Quelque 30 prix Nobel, dont certains pratiquent l'Espéranto, ont recommandé son adoption.

Ces organismes et personnalités auraient-ils prôné l'usage de cette langue auxiliaire internationale s'ils ne s'était agi que d'un simple gadget, d'une utopie farfelue ?

Le Parlement Européen, lui-même a fait faire une étude du problème de langue de communication et dans son rapport, suite à la réunion des 18 et 19 décembre 1979, la Commission de la Jeunesse, de la Culture, de l'Education, de l'Information et des Sports de la CEE, on peut lire notamment :

-         une forte proportion des dépenses totales est imputable au coût des services linguistiques… ces dépenses s'élèvent à plus de 40 % des dépenses globales administratives (oui, ils écrivent bien 40 %) ;

-         cette nécessité (de traduire tous les documents) réduit considérablement l'efficacité de l'institution.

-         Les langues artificielles ou, plus précisément, de conception intellectuelle, constituent l'une des voies linguistiques dans laquelle pouvait s'engager l'Europe : deux avantages possibles ont déjà été mentionnés : leur utilisation place chacun sur une base d'égalité et on ne peut les taxer "d'impérialisme linguistique". Il existe un certain nombre de langues…. Cependant l'Espéranto constitue probablement le seul candidat sérieux.

-         Le nombre d'Européens ayant une certaine connaissance de l'Espéranto a été estimé à plus de dix millions (ce rapport de la CEE date de 1979 ?). Il convient d'y ajouter des groupes parfois importants d'Espérantistes dans des pays tels que le Japon, la Bulgarie et même l'Iran… Depuis sa création par le professeur Zamenhof ? L'Espéranto s'est linguistiquement transformé en langue "vivante" et il possède une littérature qui lui est propre (aujourd'hui quelque 40 000 volumes et 25 nouveaux titres chaque mois).

-         Une Europe doit être pratiquement apte à parler (souligné dans le rapport du 08/07/80) c'est à dire sur un mode linguistique compréhensible. Il semble évident qu'il ne pourrait en aller ainsi dans la confusion d'une Tour de Babel.

Ce rapport étudié par le Commission Politique du Parlement, a provoqué les réactions suivantes :

-         le coût des traductions orales et écrites connaît une progression quasi géométrique au fur et à mesure de la multiplication des langues …(qui) conduira à une véritable explosion des coûts (souligné dans le rapport) que l'on ne saurait faire supporter aux citoyens et contribuables européens.

 

Plus de vingt ans après où en est-on ? Et bien nous assistons à l'explosion des coûts et qu'en sera-t-il avec les 21 langues dont l'adoption est officiellement envisagée ? et les 420 combinaisons de traductions ? Et quels sont les arguments pour refuser la recherche d'une solution ? On nous dit : "Une limitation du nombre de langues au Parlement Européen constituerait une atteinte au caractère démocratique de celui-ci". C'est vraiment se moquer du monde. On ne voit pas en quoi la démocratie serait en danger avec l'adoption d'une langue commune. Lorsqu'on a voulu que tous les Français se comprennent, on n'a pas demandé aux habitants de chaque province d'apprendre les langues de leurs voisins et la démocratie française n'est pas morte d'avoir imposé le francien comme langue unique, bien au contraire.

Mais que dit-on encore pour refuser une langue de communication ? On vous affirme : « Demain ce seront les machines qui écriront, qui traduiront, transmettrons les messages. Elles parleront toutes les langues. » N'insistons pas sur l'importance des études à réaliser en sémantique, syntaxe, etc. et de leur coût, qui réservera cette technique aux pays riches en argent, en technologie. Comment pourront se contenter de machines à traduire lescontrats  commerciaux, les communications scientifiques, les simples échanges culturels ? Dans une notice d'utilisation d'une machine, la moindre confusion peut avoir des conséquences très graves.

Dernier argument contre l'adoption d'une langue unique de communication : « cela va mettre au chômage, les quelque 4500 interprètes du Parlement Européen. » Vraiment faut-il en discuter? On doit accepter les mutations entraînées par l'évolution et en tirer les conséquences. D'ailleurs, il  faudra bien des années avant que tous les textes ne soient produits qu'en une seule langue et les interprètes auront le temps d'apprendre l'espéranto dont on demande dans le monde entier des traducteurs. Rien de plus facile quand on connaît déjà plusieurs langues car le vocabulaire de l'Espéranto est tiré pour 75 % du grec et du latin, base des langues européennes, de 20 % de l'anglais et de l'allemand, de 5 % de slave. Tolstoï dit l'avoir appris en quelques heures, certainement parce qu'il connaissait plusieurs langues.

Au contraire, on va être obligé d'engager des centaines d'interprètes supplémentaires, soit un budget de 521 millions d'euros, nous l'avons dit. Mais ce n'est pas le plus grave. La Commission Politique du Parlement Européen soulignait :

-         ce qui importe ce n'est pas de savoir combien de millions d'écus coûtent à la Communauté les travaux de traductions écrits et oraux mais si l'usage indifférencié de toutes les langues est profitable au développement. (souligné dans le rapport).

 

Le Parlement Européen était conscient du problème il y a 22 ans. La Commission d'Etude a fait des propositions. Notamment elle demandait que "le Parlement se saisisse du problème du multilinguisme et propose aux électeurs européens, avant les prochaines élections de 1984, ne serait-ce que des réflexions sur des moyens de maîtriser à long terme, c'est à dire dans 15 ans, cette évolution" (oui! C'est dans un rapport rédigé il y a 22 ans).

L'U.E. a impérativement besoin d'un langue unique de communication. Au cours des siècles se sont succédés : le grec, le celte, le latin, le français, l'anglais… pourquoi pas, aujourd'hui l'Espéranto ?

Ceci dit soyons réalistes. A notre époque, il faut apprendre l'anglais car on s'est laissé phagocyter mais l'apprendre après l'espéranto, d'accès beaucoup plus facile et parce qu'il a été prouvé que sa connaissance facilite grandement l'apprentissage de toutes les autres langues.

L'anglais resterait à sa place, qui est grande, si l'Espéranto était adopté et ce serait un bien pour 92 % de pays non anglophones. Mais ceux qui le dénigrent, savent-ils que l'Espéranto est plus parlé que la moitié des langues de l'Europe, qu'il fait partie des 4 % des langues les plus parlées dans le monde, qu'anglais, français et espéranto sont les seules langues utilisées internationalement sur les cinq continents ? Mais puisque nous l'évoquons recherchons quelle est la place de l'Espéranto dans le monde.  

L'Espéranto en France et dans le monde. L'Espéranto dans les sciences et les techniques.

Nous allons essayer de répondre à ces deux questions, parfaitement liées, posées par les lecteurs du Magazine des Arts et Métiers. Tout d'abord quand on parle de l'espéranto on vous répond la plupart du temps : "Personne n'utilise cette langue, on ne voit aucune inscription ou annonce en Espéranto, jamais la radio, la télévision, n'en parlent Partout c'est l'anglais qui est utilisé, même les hôtesses d'Air France à New York ignorent la langue française, ce qui est un comble…"

Eh ! bien, une simple comparaison montre l'ampleur du fossé entre la France et les pays étrangers en ce qui concerne l'espéranto; Dans la Corée du Sud, on enseigne cette langue dans quatre universités et des cours ont été ouverts dans dix villes. En France deux universités s'y intéressent et  quant aux écoles qui l'enseignent, vraisemblablement, on les compterait sur les doigts de la main. Voilà l'ambition de nos hommes politiques. Accepter d'être loin derrière la Corée du Sud. Et sur 145 universités ou instituts supérieurs où l'on enseigne l'espéranto, il y en a 50 en Chine, 12 en Pologne… et seulement 2 en France, nous l'avons dit . 250 publications régulières concernant l'espéranto, 45 000 volumes sont parus, 20 titres nouveaux en cette langue sortent chaque année, des radios de portée internationale font des émissions régulières en Espéranto : Radio Pologne et Radio Vatican tous les jours, Radio Chine Internationale, Radio Rome (RAI) etc., etc.… L'Unesco, l'ONU, l'OMS, des Chambres de Commerce (Barcelone, Leipzig, Bar le Duc…), des Offices de Tourisme, des Syndicats d'Initiative, des Ministères d'Affaires Etrangères (Pays-Bas, Norvège…), des Foires Internationales, des partis politiques, des mouvements divers (Scouts, Rotary, Fond Mondial de Solidarité contre la Faim…), …. publient des brochures ou des communiqués en espéranto… pas en France.

Mais beaucoup plus convaincant. Alors que les dirigeants américains n'acceptent que ce qui émane d'eux et sert les intérêts de leur pays, c'est pourtant aux USA qu'un citoyen de Chicago,  Kent JONES ingénieur de l'Aviation Civile, spécialiste des questions d'approche radar à l'atterrissage dans des conditions extrêmes, aujourd'hui retraité, a constaté l'inadaptation de l'anglais à l'aviation et sa responsabilité dans de nombreuses catastrophes. Il faut dire qu'il s'est senti directement concerné par la mort de l'ami de sa fille qui a péri dans une catastrophe aérienne en Colombie, catastrophe précisément due à une mauvaise compréhension de l'anglais entre le pilote et la tour de contrôle.

Kent JONES a alors entrepris des démarches auprès des organisations nationales et internationales de l'Aviation pour que la sécurité aérienne soit abordée sous ses aspects linguistiques. Après étude, il a conclu que seul l'Espéranto pouvait apporter la solution et, en collaboration avec des spécialistes, parmi lesquels des linguistes de la NASA et d'anciens pilotes expérimentés, il a travaillé à une terminologie aérienne en Espéranto : 228 pages, 23 planches, 1000 termes, un dictionnaire aéronautique anglais-espéranto, 4000 expressions dans 13 chapitres thématiques… Cette terminologie de l'Aviation, compilée et signée par Gilbert R. LEDON vient de paraître au Brésil sous le titre : "Aviada Terminaro" (Terminologie de l'aviation). Ils estiment que la vie humaine a plus de valeur que la réussite économique. Oui ! C'est aux Etats-Unis que cela s'est produit. Doublement intéressant.

 

Mais plus important encore pour notre démonstration, car concernant pratiquement tous les pays modernes, dont les USA, ce sont toutes ces associations scientifiques internationales qui publient leurs travaux en espéranto, souvent, d'ailleurs, leur principale langue de travail. Citons l'une d'elle, l'AIS , l'Académie Internationale Scientifique de Saint Marin, fondée en 1983 qui a eu dès sa onzième année d'existence un prix Nobel en son sein et dont sont membres notamment seize universités américaines. Oui ! Seize universités américaines. L'AIS a pour langue principale de travail l'espéranto et a pour but la diffusion des technologies d'information, les échanges scientifiques entre les nations et la tenue de cessions de formation forts prisées. L'AIS a des filiales dans un grand nombre de pays et ce nombre s'accroît constamment. Nous ne  nous étendrons pas davantage mais l'on peut consulter avec un bon moteur de recherche et obtenir des résultats intéréssants avec divers mots-clés

Quelques adresses :

Celle de SAT Amikaro : <http://www.esperanto-sat.info>

Celle de l'AIS : <http://www.ais-sanmarino.org>

Celle d'une sorte d'observatoire de langues et de droits linguistiques à Bruxelles, avec l'espéranto comme langue principale : <http://dmoz.org/word/esperanto/>  

 

Nous espérons que cet exposé d'un profane, bien imparfait et forcément incomplet, a montré :

-         la nécessité impérative de choisir une langue commune pour l'U.E.;

-         que celle-ci ne serait pas plus difficile à faire adopter qu'une monnaie unique;

-         que cette langue doit être a-nationale  sans attache politique, culturelle, religieuse ou idéologique; respectant l'indépendance économique et la dignité de toutes les nations;

-         qu'elle doit être simple et naturelle, d'accès aisé mais très précise et fonctionnelle ;

-         que seul l'Espéranto remplit toutes les conditions exigées pour être admis comme langue de communication pour l'U.E.;

-         que l'on doit rappeler à tous nos hommes politiques leur devoir : défendre les intérêts économiques de notre pays et qu'avant de rejeter une solution proposée par tant de sommités, on l'étudie, on l'examine sérieusement. Actuellement, nos politiques donnent la fâcheuse impression , parce qu'ils sont aptes à converser en anglais, de se considérer valorisés, par rapport aux européens en majorité de moyenne culture et incapables de comprendre une langue particulièrement difficile et qu'il faut pratiquer régulièrement pour la maîtriser.

 

       Octobre 2002                                Pierre COLLARD

Ingénieur Arts et Métiers

32 Bd Lord Duveen – Bt B1

13008 MARSEILLE

Tél.:  04 91 77 91 47

Fax : 04 91 71 87 16

 

Nous ne pouvons citer toutes les associations, très actives, prônant et pratiquant l'espéranto et nous nous en excusons. Deux de celles-ci :

Union Française pour l'Espéranto                               Espéranto Information

4 bis rue de la Cerisaie                                               SAT – Amikaro

75004 PARIS                                                           134 Boulevard Vincent Auriol

75013 PARIS